La nomination du premier ministre et du gouvernement était très attendue pour savoir si Emmanuel Macron allait vraiment opérer un large renouvellement de la classe politique. Et finalement, à quelques exceptions près, les nouveaux visages ne sont pas légion et surtout pas aux postes régaliens. Par ALICE RENAULT
La nomination d’Édouard Philippe comme premier ministre mardi donnait déjà des signaux sur le chemin que ce gouvernement allait prendre : peu de renouvellement, des cumulards et plutôt orientés à droite. Passé par Sciences Po et l’ENA et député-maire, du point de vue du « système » on ne pouvait pas faire mieux…
Les premiers renoncements
Les premiers renoncements se font déjà voir. C’est le cas sur l’égalité femme-homme. Pendant la campagne, Macron avait affirmé : « Le premier ministre sera choisi sur des critères d’expérience et de compétences. J’aimerais que ce soit une femme. » Mais apparemment, aucune femme française n’avait assez d’expérience et de compétences pour avoir ce poste… Les cinq premières nominations dans son cabinet sont celles de cinq hommes blancs. En termes de renouvellement et modernité, on pouvait s’attendre à mieux.
Il avait aussi affirmé pendant la campagne qu’il y aurait un ministère plein et entier des Droits des Femmes. Là encore, la promesse est passée à la trappe. Certes, la secrétaire d’État Marlène Schiappa a déjà travaillé sur le sujet, mais reste à savoir quels seront ses moyens. Il faut se souvenir que même lorsque le sujet de l’égalité femme-homme avait un ministère, son budget était insignifiant.
Les éléments les plus frappants de ce gouvernement, sont certainement les élu·e·s qui sont en responsabilité depuis longtemps. Collomb est élu la première fois comme conseiller municipal en 1977, Bayrou a son premier mandat politique en 1982, 1977 pour Le Drian, 1999 pour Marielle de Sarnez. Pour le « renouvellement de la classe politique », on repassera.
Il n’a dû échapper à personne que le gouvernement a été annoncé le 17 mai, soit le jour de la journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie. Et voir Gérard Darmanin, nommé à un poste ministériel ce jour est dur quand on se rappelle les propos qu’il avait pu tenir pendant le débat du mariage pour tous. Pour rappel, quelques uns de ses propos de l’époque : « mariage homosexuel et adoption par les homosexuels, faut-il tout accepter sous prétexte que la « société évolue » ? » ou encore « Si je suis maire de Tourcoing, je ne célébrerai pas personnellement de mariages entre deux hommes et deux femmes ». Pour le côté progressiste et moderne, on repassera aussi.
Des surprises ?
Son nom circulait depuis quelques jours, la nomination de Nicolas Hulot est une surprise, car il avait refusé le poste de ministre de l’environnement que tous les présidents de la République lui avaient proposé depuis Jacques Chirac. Face à la nomination d’Édouard Philippe comme premier ministre, il amène une touche écologique. Reste à savoir quelles seront ses marges de manœuvre. Pourra-t-il réellement faire tout ce qu’il souhaite ?
Macron s’est fait élire avec un programme qui n’était pas des plus révolutionnaires sur les enjeux environnementaux. Il s’inscrivait dans une continuation des promesses de Hollande. Comment se passera son travail avec Édouard Philippe qui a fait du lobbying quand il était chez Areva et a voté contre la loi de transition énergétique et la loi biodiversité. Et que dire de sa position comme maire du Havre où il a ardemment défendu le maintien de la centrale à charbon du Havre. La cohabitation entre les deux s’annonce explosive.
Bien sûr, il y a des belles surprises comme la nouvelle ministre de la culture, Françoise Nyssen, elle-même issue du monde de l’édition.
Un gouvernement qui penche à droite
Avec ce gouvernement et ce premier ministre, Macron penche bien plus à droite qu’à gauche. Ce n’est pas une grande surprise pour qui avait étudié son programme en détail : réforme du code du travail par ordonnance, suppression de 120 000 fonctionnaires, un projet environnemental faible, etc. Les deux ministères de Bercy sont confiés à deux hommes des Républicains. Il y a un signal fort que les manettes de l’économie sont confiées à la droite.
Et que dire du renouvellement tant annoncé quand on voit Collomb, Bayrou, Le Drian avoir des portefeuilles importants ? Sur la question de l’égalité femme-homme, Macron avait fait des promesses durant la campagne et à peine une semaine après son investiture, les premiers renoncements arrivent. La supposée ouverture à la société civile n’est que de façade. Les postes clés sont gardés par des ancien·ne·s du monde politique et bien souvent des hommes. On nous annonçait que Macron allait casser les codes. Au final, il propose un gouvernement de droite avec quelques noms de gauche comme un faible signe d’ouverture…
Alice Renault
Illustration : photo officielle du gouvernement Philippe.