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Les secrets de la mémorisation

Retenir par cœur, parfois sans cœur à l’ouvrage, n’est pas chose aisée. Nous répétons, répétons, jusqu’à y parvenir en fin de compte pour une durée incertaine. Pourtant, certaines personnes arrivent à retenir un nombre impressionnant d’éléments en un temps très court. Par MAXIME LACOMBE

Mais avant d’en arriver là, rappelons quelques éléments théoriques de base sur la mémoire. Premièrement, il existe différents types de mémoire, n’ayant cependant pas la prétention d’être exhaustif :

  • la mémoire à court terme, limitée dans le temps (30 secondes au grand maximum) et en capacité (sept éléments retenus, plus ou moins deux) ;

  • la mémoire à long terme, qui comprend la mémoire sémantique (la connaissance scientifique), épisodique (nos souvenirs), procédurale (les automatismes).

Lorsque vous savez quelque chose mais que vous ne parvenez pas à vous en souvenir précisément, ce n’est pas par ignorance, c’est-à-dire que cette connaissance n’est pas encodée et stockée dans votre mémoire sémantique. Non, en réalité, vous ne parvenez pas à récupérer la connaissance qui est bien là, dans votre tête, mais comme inaccessible.

Comment concevoir, dès lors, que certains sont en mesure de restituer l’ordre de 52 cartes en les ayant mémorisés en seulement trois minutes ? Ou plus d’un millier de chiffres, dans l’ordre, en une heure ? En réalité, les méthodes qu’ils emploient tous sont des méthodes déjà connues dans l’Antiquité et consistant à faire des associations entre les éléments à retenir et des images.

Comme l’indique un adepte de cette discipline dans cet article :

« Elles consistent à créer une image de ce dont vous voulez vous souvenir. Avec ces images, vous créez des histoires. Par exemple, si je veux me souvenir de votre nom, Romain Scotto, je vous imagine avec un casque romain, et pour Scotto, je vous vois sur un scooter. Voilà. Après, pendant l’épreuve, je vous revisualise. Comme c’est moi qui ai choisi l’association, c’est plus facile. J’associe aussi les chiffres à des images. Pareil pour les cartes. Par exemple la dame de cœur est pour moi la Princesse Diana. »

Il existe plusieurs méthodes. Prenons l’exemple de la méthode dite de Loci. Celle-ci consiste à :

  1. Prendre un chemin que nous faisons régulièrement, par exemple aller au travail ;

  2. Définir autant d’étapes pouvant être visualisées mentalement sur le chemin qu’il y a d’éléments à retenir, celles-ci ne devant pas correspondre à des actions ;

  3. Se remémorer mentalement les étapes ;

  4. Associer chaque élément à une étape, de façon à créer une « image mentale » de l’élément vis-à-vis de l’étape, c’est-à-dire mettre en relation la scène imaginée avec votre élément et votre étape, par exemple associer l’élément « enveloppe » à l’étape « maison du voisin » où vous visualiserez le facteur apportant une enveloppe en toquant chez votre voisin ;

  5. Renforcer l’apprentissage en stimulant la mémoire, donc en parcourant à nouveau votre chemin mental fait d’images mentales associant vos éléments à retenir à vos différentes étapes.

Par ce genre de méthode, il est donc possible de retenir de nombreux éléments. Bien évidemment, cela demande un entraînement avant de pouvoir atteindre les performances des personnes maîtrisant au mieux ces techniques.

Reste à comprendre pourquoi cela fonctionne. En effet, à la lecture d’une telle méthode, cela peut paraît bien complexe et bien coûteux à côté d’une technique telle que le par cœur qui est, certes, mécanique mais s’affranchit de beaucoup d’éléments inutiles. Notez que la technique de Loci, comme l’essentiel des méthodes de ce type, se fondent sur un sens : la vision. Ce n’est pas anodin car la vision représente le sens que nous sollicitons le plus. Notre mémoire est fortement liée à elle et est donc plus efficace si nous en usons, d’où les images mentales, ces représentations que nous nous faisons par exemple dans nos têtes, au hasard d’une pensée. Cela explique aussi l’efficacité souvent vantée de la schématisation des éléments pour les retenir.

Ajoutez à cela un élément plus essentiel encore, et vous saisirez parfaitement pourquoi une telle méthode peut fonctionner. En effet, une donnée à retenir, comme une poésie apprise machinalement, risquera d’être oubliée, car il lui manquera la puissance de la contextualisation. Donner du sens, faire lien avec d’autres savoirs, et donc multiplier les liens complexes, permet un effet d’association qui renforce d’autant la nouvelle connaissance mémorisée. Lorsque vous scénarisez vos éléments par rapport à vos étapes, c’est précisément ce que vous faites.

Ainsi, sans aller jusqu’à user de telles méthodes, vous comprendrez au moins que pour mieux mémoriser, il reste plus efficace de visualiser et contextualiser ce savoir que de l’apprendre en brut. Lorsqu’un élève apprend machinalement ses dates en Histoire pour pouvoir les placer au Baccalauréat, il investit un temps colossal à tenter de les retenir, quasiment déconnectées de leurs contextes, alors qu’il lui suffirait presque (ironiquement) de faire de l’Histoire une histoire.

Pour les plus curieux

Vous avez peut-être été surpris de la capacité très limitée de la mémoire à court terme. Elle peut, elle aussi, bénéficier de quelques stratégies permettant de l’optimiser. La plus simple est celle consistant à assembler plusieurs éléments en un seul, comme le numéro de téléphone. Ainsi, retenir 01 02 03 04 05 comme 10 chiffres est plus coûteux cognitivement, et donc plus difficile à retenir, que cinq paires de deux chiffres. Cette stratégie est assez intuitive et assez évidente pour les dates : nous retenons 1945, et non pas 1, 9, 4 et 5. Si vous souhaitez la garder dans la mémoire à long terme, il sera intéressant de lui donner du sens, en la contextualisant, comme étant la fin de la Seconde Guerre mondiale.

D’autre part, la mémoire ne se limite pas à la vision. Il existe un moyen de renforcer un apprentissage qui consiste à varier les sources sensorielles. En effet, si vous multipliez les sens, vous multipliez aussi les représentations que vous avez d’une même chose, et donc l’efficacité de sa mémorisation.

La mémoire est aussi liée à nos émotions. Ce n’est pas un hasard si les événements les plus marquants dans vos vies sont aussi ceux que vous avez les mieux retenus. Vous comprendrez néanmoins que nous quittons là la mémoire sémantique pour aborder davantage la mémoire épisodique qui contient nos souvenirs. 

MAXIME LACOMBE

Illustration : Chiffres. | Libre de droits

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