Comment expliquer le vote Macron et Le Pen ? A-t-on besoin d’un gouvernement ? Deux débats dans notre revue de presse de ces dernières semaines. Par RAPHAËL GEORGY
Pourquoi vote-t-on ? Parfois pour éviter des effets négatifs sur soi-même ou pour les autres, souvent pour éviter que les autres ne décident pour nous. Cela suppose encore d’accepter d’être gouverné. On peut penser que cela va de soi, comme le philosophe Pierre Manent.
« Les Français, comme les citoyens des autres républiques, choisissent leurs représentants pour être bien « représentés » bien sûr, mais aussi, et d’abord, pour être bien gouvernés. » (Commentaire, n° 157, « La tragédie de la République »)
Mais pour d’autres, que l’on classera à l’ultragauche, on pourrait très bien s’en passer. Pour Mathieu Burnel et Julien Coupat, théoriciens de cette mouvance marginale, l’Etat n’a aucune légitimité. A les écouter, la justice, la police et le gouvernement ne sont qu’une mafia qui a réussi. Dans un entretien au Monde, ceux-ci avancent que la nation n’est qu’un « mythe » relevant d’un « autisme collectif qui se figure une France qui n’a jamais existé ».
S’il on n’est pas convaincu, il est toujours intéressant de lire leurs ouvrages pour se rappeler pourquoi l’on vote.
Pour ceux qui le font, justement, les raisons du choix font aussi débat. Dans le Monde, le démographe Hervé Le Bras analyse la géographie du vote du premier tour de l’élection présidentielle : « Le Pen obtient ses meilleurs résultats là où les problèmes économiques et sociaux sont les plus graves ». Mais cela ne suffit pas, car il y a des endroits où les difficultés économiques et sociales s’accumulent et le vote Front national est très faible. Les électeurs urbains, même s’ils sont touchés par ces difficultés, votent plus souvent pour Macron.
« Les villes, particulièrement les plus puissantes, sont devenues des points de contact et d’échange avec le monde. Les plus importantes se rapprochent des global cities selon le terme forgé par la sociologue hollando-américaine Saskia Sassen. Leurs habitants veulent donc préserver l’ouverture de la France au monde et particulièrement à l’Europe. »
La France des périphéries, rurale ferait donc face à une France des grandes villes ? Pas si sûr. Pour le chercheur à Sciences Po Frédéric Gilli, dans une tribune au Monde, les résultats obtenus par Macron sont à peu près égaux dans tous les types d’espaces.
« Ses résultats sont particulièrement constants quel que soit le terrain. Il rassemble entre 20 % et 23 % des électeurs dans tous ces territoires : 21 % des ruraux, 22 % des électeurs des petites villes, 23 % des périurbains des grandes agglomérations… »
Donc si le vote Front national est situé géographiquement selon les grandes aires où se concentrent les difficultés, on ne peut pas dire que deux France se font face.